Poésie 28 janvier
© Lacroix, 2008
Déneigement rue Ontatio est angle Parthenais (Quartier Centre-Sud)
« La transdisciplinarité ressemble à une jeune fille gracile et enjouée qui vient danser devant le Goliath des temps modernes. Goliath est tout puissant devant ses châteaux de fer, de verre, de marbre, de pierre. La jeune fille vient un bouquet de fleurs à la main et dit « Tout Puissant Goliath voulez- vous danser avec moi 7 »
Goliath est surpris, comment cette inexistante jeune fille ose-t-elle même lui adresser la parole ? Va-t-il la dévorer d’un coup? Il se toune vers ses ministres qui, eux aussi, semblent indignés. Bien pire, la jeune fille au bouquet ne manque pas de hardiesse, elle ose aussi leur adresser la parole
— Tous Puissants Ministres des Gratte-ciels, des Finances, de l’Economie, des Institutions dogmatiques, des Idées Toutes faites, je vous invite à faire la fête. Nous allons ensemble créer des places de bonheur, venez danser avec les femmes, les enfants, les poètes, aidez-nous à élever des colonnes de fleurs. Venez célébrer l’amour.
— Cette femme est une folle, dit le Ministre des Institutions dogmatiques, vite qu’on envoie les psychiatres gardiens.
- Attends de voir ce qu’elle va encore faire, dit Goliath, c’est divertissant.
Tout en dansant la jeune fille s’écarte rapidement, semant sur ses pas les pétales de son bouquet. Quand elle est suffisamment loin devant un grand espace vide, elle se retourne et salue de la main au loin.
Le Ministre des Dogmes, furieux, va lâcher ses psychiatres gardiens quand lout à coup des craquements se font entendre, d’immenses fissures lézardent à la vitesse de l’éclair l’empire de marbre et de fer. Et quelques instants après, Goliath, ses ministres, ses villes et ses institutions ne sont plus. L’empire est devenu une immense montagne de pierres. Quelques années plus tard la jeune fille toujours en dansant est revenue sur les lieux. L’eau, les vents et la nature s’étaient accordés pour recouvrir le tout de plantes et d’arbustes. La jeune fille sema çà et là des graines de fleurs et le printemps fleurit sur ces montagnes comme si rien n’avait jamais existé.
[…]
La fragilité de la poésie est une force toute puissante, et de même sera la transdisciplinarité si elle ne perd pas l’esprit de poésie.
[…]
Tout e visible repose sur l’invisible, c’est là le fond de l’énigme apparente, on ne le dira jamais assez. Tout dans l’univers n’est que du visible plaqué sur de l’invisible. L’univers est un imaginaire qui cache son essence et fait miroiter des phénomènes. Mais les phénomènes sont d’inextricables labyrinthes qui engloutissent ceux qui s’y aventurent. L’imaginaire scientifique a quitté, je pense, le labyrinthe, il prend conscience que son paysage n’a plus de confins. L’imaginaire lui-même comprend qu’il n’est qu’une trace d’un imaginaire insondable qui devant lui reculera sans fin. Ce jour-là, la science apprit la modestie et devint conscience. »
— Michel Random, La pensée transdisciplinaire et le réel, Editions Dervy