Conquête

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© Lacroix, 2007
Fête pour enfants, parc des Royaux (Quartier Centre-Sud)

«La conquête du superflu donne une excitation spirituelle plus grande que conquête du nécessaire. L’homme est une création du désir, non pas une création du besoin.»

— Bachelard, Psychanalyse du feu

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Je découvre que la personne j’étais lorsque j’avais vingt, trente ou même 40 et 50 ans m’est devenu presque un inconnu.

Une étrange discontinuité fait qu’il m’est impossible de me reconnaître dans les traces des époques passées: photographies, films, musiques, livres que j’aimés, ou même dans mes propres créations photographiques que je redécouvre comme le travail d’un étranger.

Ces pensées me plongent dans un désarroi nostalgique et je m’interroge sur les réalisations passées d’un certain Jean Pierre qui n’est définitivement plus moi ? Qu’est-ce qui me relie avec ce personnage à part une continuité biologique ?

J’ai de la difficulté à me suivre dans le dédale parcouru. Chaque jour, la plupart de mes cellules se renouvellent, mon cerveau enregistre de nouveaux souvenirs et s’imprègne de nouvelles expériences. Je suis en constante transformation et en permanente reconfiguration. Les temps changent, disait Ovide, et nous changeons avec eux. Sur une période de quelques années, comment puis-je prétendre être toujours la même personne ? Aujourd’hui, quelle est la part de rémanence de ma psyché ? Une chose est certaine, ce qui est constant, c’est l’impermanence.

Aujourd’hui, je me dédie à faire du quotidien, si non une oeuvre, un «quelque chose» d’esthetique, d’une «certaine» qualité.



Vivre

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© Lacroix, 2007
Étang, Jardin des Premières-Nations du Jardin botanique de Montréal.

Au tout début, il n’y avait que les plantes et les animaux qui habitaient sur la terre.
Le Grand Esprit était satisfait mais il trouvait la terre ennuyante.
Il voulut que l’être humain puisse aussi y vivre.
Il le sculpta dans un grand frêne bien fort et bien droit.
Ainsi naissait le peuple de l’Est.
Ça explique l’affection du peuple Abénaquis pour le frêne.
— Légende amériendienne



L’artiste

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© Lacroix, 2007
Ventilateur d’entrepôt, édifice désaffecté, rue de Rouen angle rue Harmony, aujourd’hui transformé en condominiums (Quartier Centre-Sud).

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© Lacroix, 2007
Ce qui m’intéressais, c’est le constraste des lignes: la forme des pales et le grillage endommagé. J’ai refais une photo en cadrant le sujet serré. J’ai remplacé la couleur par une teinte ancienne qui accentue la rouille. Quelque semaines plus tard, le ventilateur avait disparu et l’ouverture briquelée.

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«Je ne puis vivre personnellement sans mon art. Mais je n’ai jamais placé cet art au-dessus de tout. S’il m’est nécessaire au contraire, c’est qu’il ne se sépare de personne et me permet de vivre, tel que je suis, au niveau de tous. L’art n’est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen d’émouvoir le plus grand nombre d’hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes. Il oblige donc l’artiste à ne pas se séparer ; il le soumet à la vérité la plus humble et la plus universelle. Et celui qui, souvent, a choisi son destin d’artiste parce qu’il se sentait différent apprend bien vite qu’il ne nourrira son art, et sa différence, qu’en avouant sa ressemblance avec tous. L’artiste se forge dans cet aller retour perpétuel de lui aux autres, à mi-chemin de la beauté dont il ne peut se passer et de la communauté à laquelle il ne peut s’arracher. C’est pourquoi les vrais artistes ne méprisent rien ; ils s’obligent à comprendre au lieu de juger. Et s’ils ont un parti à prendre en ce monde ce ne peut être que celui d’une société où, selon le grand mot de Nietzsche, ne règnera plus le juge, mais le créateur, qu’il soit travailleur ou intellectuel.»

Extrait de l’allocution d’Albert Camus à la remise du Prix Nobel en littérature, à l’Hôtel de ville de Stockholm, le 10 décembre 1957. Copyright © The Nobel Foundation 1957.
Pour le discours complet cliquez sur ce lien:
Albert Camus – Nobel 1957



État méditatif

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© Lacroix, 2007
Poubelle en tôle galvanisée, rue Parthenais au nord de la rue De Rouen (Quartier Centre-Sud)

Le terme «art dharma*» définit un travail de création issu d’un état méditatif éveillé. C’est un moyen d’apprécier la nature des choses telles qu’elles sont et de les exprimer naturellement sans effort, sans attente d’accomplir quelque chose. L’oeuvre d’art dharma fait ressortir ce qu’il y a de bon, de noble dans ce qu’elle représente. Au fond, ce sont l’intérêt de l’artiste pour les détails de la vie et sa disposition à toujours découvrir qui donnent naissance à cette dignité. La création devient un mode de vie. Il est nécessaire pour l’artiste de bien apprendre son véhicule d’expression, de cultiver son talent par la pratique quotidienne, en respectant les connaissances et les intuitions transmises. La création contemplative s’applique à tout ce qui nous entoure et fournit l’occasion de se libérer, de plonger dans l’instant présent et de s’ouvrir à l’univers.

* Dharma: la Vérité, le principe de l’Univers, l’Ordre cosmique, l’Enseignement



Redescendre

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© Lacroix, 2007
Chaises de jardin près du carré de sable, jardin de Lezarts (Quartier Centre-Sud)

À propos de la Voie de l’Éveil…
« On ne peut pas rester au sommet éternellement. On doit redescendre… On grimpe et on voit, on redescend et on ne voit plus, mais on a vu. Il y a une manière de se comoporter… en se souvenant de ce qu’on a vu là-haut. Lorsque l’on ne peut plus voir, on peut encore au moins savoir.»
— René Daumal
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L’effet de photographie prise avec un appareil jouet (Holga, Diana, ect.) est réalisé à l’ordinateur par une série de calques: vignettage, floutage, décoloration et grain.



Marelle

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© Lacroix, 2007
Jeu de marelle (craie sur bitume), jardin de Lezarts (Quartier Centre-Sud)

«L’homme suit les voies de la Terre,
la Terre suit les voies du Ciel,
le ciel suit les voies de la Voie,
et la Voie suit ses propres voies.»

— Lao-Tseu, Le Tao Te King

L’origine de la marelle demeure mystérieuse. Dès 2357 avant J.-C., des textes chinois en font mention. Dessiné sur des sépultures en Égypte, en Grèce ou ailleurs dans le monde, ce jeu à tableaux offre toujours le même tracé rectangulaire ou en spirale.

On appelle marelle aussi bien le jeu que son tracé. La marelle est à l’origine une représentation du monde que l’on parcourt comme un chemin initiatique. La version la plus connue est celle dans laquelle on doit partir de Terre, éviter l’Enfer, aller au Ciel. Historiquement c’est le miroir de la manière que l’on a de se représenter l’univers. La marelle peut s’adapter à diffédents thèmes: le temps (saisons, jours ou des mois), l’espace (les ponts cardinaux) ou se transformer en jeu de questions: à chaque case, on doit donner un chiffre croissant de réponses sur les noms de plantes, d’animaux, etc.

Entre les ruines du Forum romain, on peut encore voir aujourd’hui une marelle datant du 5e siècle av. J.-C. Pour les romains, le jeu de la marelle était une représentation ludique du récit mythologique sur le labyrinthe de Dédale dont personne ne pouvait s’en échapper. Il était habité par un monstre, le Minotaure. Thésée décida de l’affronter. Ariane, donna au courageux jeune homme une épée, et une pelote de fil. Thésée accrocha le fil à l’entrée du labyrinthe, et partit à la recherche du Minotaure en déroulant la pelote au fur et à mesure qu’il avançait. Thésée réussit à tuer le Minotaure, et ensuite il n’eut qu’à suivre le fil déroulé pour retrouver la sortie du labyrinthe.

Comme beaucoup de jeux anciens, la marelle a d’abord été mystique, pour devenir ensuite un jeu d’adresse et d’équilibre.

«Le joueur progresse à cloche-pied en poussant un palet qui représente l’âme. S’il boite, c’est que son âme est faible et qu’il doit s’astreindre à des efforts purificatoires pour gagner son ciel. Après avoir évité l’enfer et remporté différents mérites, il atteint le paradis, récupère le palet (son âme) et le place sous son bras ou sur sa tête, faisant réintégrer l’âme au corps. Le jeu de marelle consiste à ne pas poser le pied sur les lignes qui divisent les cases. Cette règle correspond symboliquement au besoin de se mettre à l’abri de l’incertitude. Dans la marelle, tout est prévisible. Jeu initiatique, il révèle l’individu à lui-même en développant certaines de ses capacités. De la marelle inscrite au sol, on passe à celle que l’on dessine sur une surface plane. La marelle est l’ancêtre des jeux à tableaux (go, échecs, dames, etc.) appelés « marelles assises.» [extrait de «La marelle», Musée de la civilisation de Québec]

Notre culture humaine toute entière est déterminée par nos caractéristiques ludiques. D’après l’historien Johan Huizinga, toutes les facettes de notre société, c’est-à-dire guerre et paix, justice et art, langue et philosophie, peuvent être expliquées sub specie ludi à partir de l’élément ludique.

Dans Homo Ludens, il démontre que l’élément ludique constitue une spécificité essentielle à notre société. Le jeu est apprentissage, défoulement, détente. À ce niveau, nous sommes l’égal de l’animal. Jeune ou adulte, nous prenons, en toute conscience, plaisir au jeu, ce dont l’animal en est incapable. De cette manière, le jeu est une façon d’exercer notre liberté: on peut choisir d’y participer ou non.

Marelle dans Non classé pdf Commentaires sur le jeu d’après «Homo ludens», de Johan Huizinga, paru en 1938 [document PDF, 23 pages]



TEMPORA MUTANTUR ET NOS MUTAMUR IN ILLIS

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© Lacroix, 2007
Cadran solaire, Jardin botanique de Montréal (photographie à l’infrarouge)

En plus de donner l’heure, le cadran solaire se fait philosophe.

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© Lacroix, 2007

«GROW OLD ALONG WITH ME THE BEST IS YET TO BE»
Ce sont les deux premiers vers d’un poème de Robert Browning (1812–1889) en hommage au
Rabbi Abraham ibn Ezra (1092-1167), un des grands poètes, mathématicien et astronome du XIIe siècle.
[lire le poème]

 

Voici quelques devises latines (et leurs traductions) observées sur les cadrans solaires. Beaucoup d’entre elles s’appliquent à la photographie qui est tributaire de la lumière.

AEFLICTIS LENTAE CELERES GAUDENTIBUS HORAE : les heures sont lentes pour ceux qui souffrent et rapides
BREVES AMANTIBUS VIDENTUR : elles paraissent courtes aux amants.
CARPE DIEM : Profite du jour présent
CREDE MIHI : Crois moi
ECCE VENIT HORA : voilà l’heure qui vient
EX HIS OMNIBUS UNA SCITIS SED QUAE SIT NESCITIS : Entre toutes tu sais qu’il y en a une, mais tu ne sais pas
GAUDIUM ET LUCTUM FERO : J’apporte la joie et la souffrance
HEU MORTIS FORTASSE TUÆ QUAM PROSPICIS HORA : hélas peut-être est-ce l’heure de ta mort que tu regardes
HORA FUGIT VELUT UMBRA DIES LABUNTUR ET ANNI : l’heure fuit comme l’ombre, les jours et les années
HORA RUIT TEMPUS FUGIT : l’heure se précipite, le temps fuit
LAEDUNT OMNES, ULTIMA NECAT : elles blessent toutes, la dernière tue
laquelle.
LONGA PIGRO VIDETUR HORA : une heure est longue pour un paresseux
LUCEM DEMONSTRAT UMBRA : l’ombre montre la lumière du jour
NIHIL SINE SOLE : rien sans le soleil
NOX MIHI INIMICA : la nuit est mon ennemie
ORAS NON NUMEROS SINE SERENAS : Je ne marque que les heures qui brillent).
PEREUNT ET IMPUTANTUR : Elles passent et nous sont comptées.
pour ceux qui se réjouissent
QUOD ASPICIS FUGIT : ce que tu regardes fuit
s’écoulent
SEMPER AMICIS HORA : Toujours l’heure pour les amis.
SI SOL SILET SILEO. QUI POTEST CAPIRE CAPIAT. Si le soleil se tait, je me tais. Comprenne qui pourra.
SIC TRANSIT GLORIA MUNDI : ainsi passe la gloire du monde
SILENS LOQUOR : je parle en me taisant
SOL LUCET OMNIBUS : le soleil se lève pour tous
SOL MIHI UMBRA TIBI : le soleil pour moi, l’ombre pour toi
SOL REGIT OMNIA : le soleil dirige tout
SOL REX REGUM : soleil, roi des rois
SOL SOLUS SOLO SALO : Seul le Soleil commande à la terre et à la mer
SOLE NITENTE LOQUOR ; TACEO SINE SOLIBUS HORAS : TU NISI FORTE POTES DICERE VERA, TACE. : Lorsque le
soleil brille, je parle ; sans soleil je me tais. Toi-même, si d’aventure tu ne peux pas dire la vérité, tais toi
SOLI, SOLI, SOLI : au seul soleil de la terre
SOLIS MENDACES ARGUIT HORAS : Les heures du Soleil sont menteuses.
TEMPORA MUTANTUR ET NOS MUTAMUR IN ILLIS : les temps changent et nous changeons avec eux.(*)
TEMPUS FUGIT : le temps s’enfuit
TRISTIS EST SINE SOLE DOMUS : la maison est triste sans soleil
TU NISI FORTE POTES DICERE VERA, TACE : Toi-même, si d’aventure tu ne peux pas dire la vérité, tais toi.
UMBRA VELUT FUGIMUS UNA : nous nous enfuyons comme une seule heure
UNA DABIT QUOD NEGAT ALTERA : une te donnera ce qu’une autre refuse
UT FUGIT HORA BREVIS, SIC TUA VITA PERIT :Ta vie périt comme fuit l’heure rapide
UTERE DUM LICEAT : Profite tant qu’il est possible.
VELUT UMBRA FUGIT HOMINUM VITA : comme l’ombre s’enfuit la vie des hommes
VITA IN MOTU : la vie est dans le mouvement
VULNERANT OMNES, ULTIMA NECAT : elles blessent toutes, la dernière tue

(*) Elle n’est pas de Bob Dylan, mais de Lothaire 1er, empereur carolingien.



Retraite

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© Lacroix, 2007
Le Daniel McAllister, Vieux Port de Montréal

Le remorqueur de mer Daniel McAllister, mesurant 32,5 mètres de longueur, a été construit en 1905-1906 et lançé en 1907. Il débute sa carrière sur la côte atlantique et en 1940, sa machine à vapeur est remplaçée par un puissant moteur diesel. À la fin de la deuxième guerre, il est transféré sur les Grands Lacs et son nouveau propriétaire lui donne sa forme actuelle. Son activité dans le port de Montréal commence dans les années 60 où s’y termine sa carrière en 1980.

Le Daniel McAllister est le plus ancien et le plus gros remorqueur conservé au Canada et le second plus ancien conservé dans le monde.

La Société du Vieux Port de Montréal en a fait l’acquisition en 1996. Il est exposé dans le Bassin des écluses, au pied de la rue McGill.



Mystère

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© Lacroix, 2007

Bâtiment désaffecté, propriété de la compagnie Sucre Lantic, rue Notre-Dame (Quartier Hochelaga-Maisonneuve)

« Le but de la Voie et de toute sagesse serait de decouvrir l’univers mysterieux que chacun possède au fond de lui. »
— Le Tao



Découverte

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© Lacroix, 2007
Plante aquatique, Lac du pin rouge, Saint-Hyppolithe

Nous avons besoin, pour nous éveiller, d’un moyen, d’une pratique qui nous ouvre la voie, qui exige de nous une discipline qui nous maintienne en contact avec le présent. Cette démarche nous permettra de nous découvrir et de devenir nous-même. Le façon importe peu. Ce qui compte, c’est notre sincérité et notre persévérance dans cette quête.
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Une autre belle sortie avec des proches. Pique-nique partagé, baignade dans le lac du pin rouge, échanges…

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© Lacroix, 2007

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© Lacroix, 2007



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